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La voix qui saigne

  Je crache des mots comme on crache du sang, rouge vif, épais, collé aux lèvres. Les murs boivent ma colère, et l'encre sent la blessure ouverte. Pas de murmure, pas d'échos, juste ce cri qui fige en traces. Le silence après la chute, et l'odeur âcre de ce qui reste. Je ne suis pas un fantôme, même si la nuit me dévore. Ma voix est un coup de poing, un vermillon qui ne s'efface pas. Didier Guy

Soliloque de verre

  Le ciel renversé boit mes pas, l'indigo parle sans témoin. Les arbres, vitres sans passé, brûlent d'un froid qui n'est pas loin. Le sol se tait, mais je l'entends, craqueler sous mes doigts muets. Chaque reflet cache un serment que personne n'a jamais fait. Dans ce miroir sans horizon, je me réponds à moi seul. l'air lui-même a perdu raison, et danse en bleu minéral, cruel. Les branches tranchent le silence avec la grâce d'un couteau. Rien ne pousse ici, rien ne sème, seulement l'ombre et son fardeau. Didier Guy Die deutsche Übersetzung des Gedichts ist hier verfügbar.

L'hiver et sa flamme

  Le gel sculpte en silence un monde de lumière, des doigts de glace écrivent sur le vitre. Le vent, ce loup affamé, griffe la nuit entière, mais la lampe veille, douce et solitaire. Sous le poids des souvenirs, le bois craque un peu, la chaleur s'étire, lente, comme un aveu. Chaque ombre au mur devient un refuge, quand le froid mord l'aube d'un baiser qui fuit. Je regarde la danse des reflets sur le plancher, un feu qui murmure sans jamais se lasser. L'hiver est là, mais dans ce cercle d'or, je sais que le printemps n'est qu'un rêve encore. Didier Guy Die deutsche Übersetzung des Gedichts ist hier verfügbar.

L'Atelier des Cicatrices

  Je bâtis mes murs avec des planches de sel, des clous rouillés plantés dans l'os du temps. La mer a gravé ses marées sur un front, je lis l'ocre entre les lignes de mes mains. Le bois craque encore sous le poids des absences, la pierre garde en elle le froid des adieux. Je sculpte l'oubli avec des outils de fer, mais chaque coup de burin creuse un peu plus profond. Ce lieu n'est qu'un chantier où je recompose les cartes d'un pays qui n'existe plus. Les cicatrices sont des ponts, pas des fossés, je marche dessus pour rejoindre l'invisible. Didier Guy

Les Strates du Silence

  Je parcoure ces lignes comme un sentier, où chaque signe est une pierre posée. L'oeuvre n'est pas mienne, mais je l'ai vue naître, un édifice lent, sans fin imposée. Les mains ont passé, anonymes et sages, traçant des ponts que je ne franchirai pas. Leur héritage est un sol sans orage, un socle offert à qui viendra plus bas. Je ne graverai pas mon nom dans l'argile, mais j'ajoute une pierre, humble et discrète. Le temps est notre unique et patient stile, et le code ouvert, notre terre secrète. Didier Guy Die deutsche Übersetzung des Gedichts ist hier verfügbar.

Les Noms des Flocons

  Le givre dessine à petits pas sur la vitre un alphabet de froid. Décembre compte ses soldats, chaque étoile est un doigt qui pointe. La neige tombe, lente et lourde, comme un souffle venu d'hier. Elle murmurait, non, elle sourde, les mots gelés d'un dernier hiver. On reconnaissait leurs silhouettes dans le blanc qui efface tout. Les rires, les pas, les promesses, sont devenus des trous de loup. Pourtant, ce soir, sous la clarté d'une lune en papier d'argent, je crois voir, dans l'obscurité, leurs noms écrits en tremblant. Didier Guy

L'étable des commencements

  Dans la paille qui crépite sous le poids des genoux, un enfant respire, fragile lumière du monde. Les bergers ont quitté leurs troupeaux pour ce rendez-vous, où l'humanité tremblante vers le ciel se confond. Les étoiles ce soir ne sont plus seulement belles, elles tracent des routes que personne ne connaît, vers ce lieu humble où brûle une flamme éternelle, où l'espoir prend chair dans un cri qui vient de naître. Les bêtes se taisent, témoins de l'instant sacré, leurs souffles mêlés à celui du nouveau-né. Un homme debout veille, les mains encore tremblantes, une femme sourit malgré la fatigue pesante. Et moi, berger parmi d'autres, je sens mon cœur se fendre : Devant tant de faiblesse habite une force immense. La paille devient or quand l'amour y vient descendre, quand le miracle simple traverse notre absence. Nous sommes là, genoux ployés, âmes offertes, devant cette promesse née dans le dénuement. L'étable sent la vie, la sueur et la terre, mais aussi qu...