Le Vocabulaire des Pierres Creuses

  La roche défait son squelette de mémoire, chaque grain se détache comme un verbe qu'on efface, le calcaire ne charrie plus rien qu'un arrière-goût de soufre dans sa grimace. Je regarde s'effriter ces syllabes sans poids qui composent jadis des récits dans l'eau, aujourd'hui le minéral se fige sous mes doigts, lisse de tous les mythes qu'il perd comme un fardeau. La pluie est cette correctrice patiente qui décline l'absence au future antérieur, les strates récitent leur propre descente dans un argot de roc devenu intérieur. La grève se jonche d'une syntaxe indéchiffrable, grise comme la cendre des archives noyées, j'y traque un indice, quelque chose de palpable, mais la marée dissout même ce que le temps a ployé La pierre a tout perdu de son vocabulaire, il ne subsiste qu'un galet aveugle et rond, seul sous un ciel sans grammaire Didier Guy

La lente insurrection

 

Les tiges avancent sans bruit sur le béton,
griffes patientes qui creusent le mortier.
Elles montent, s'enroulent, dévorent l'horizon
des façades où nul homme ne vient habiter.

Le panneau rouillé ploie sous leur assaut,
lettres effacées par la sève obstinée.
La ville recule devant ce qui fut beau,
verdure sauvage aux droits reconquis.

Chaque feuille est un cri de liberté,
chaque racine, un défi au goudron.
L'asphalte se fend, blessé, écartelé,
la nature reprend ce qu'on lui a volé.

Je passe et contemple ce combat silencieux,
où le vivant triomphe des ruines mortes.
Les murs d'oubli deviennent jardins radieux,
et le lierre écrit l'histoire sur leurs portes.

Didier Guy

Die deutsche Übersetzung des Gedichts ist hier verfügbar.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Sous la peau du silence

L' Encre Vive

L'oubli en 4G