Le Vocabulaire des Pierres Creuses

  La roche défait son squelette de mémoire, chaque grain se détache comme un verbe qu'on efface, le calcaire ne charrie plus rien qu'un arrière-goût de soufre dans sa grimace. Je regarde s'effriter ces syllabes sans poids qui composent jadis des récits dans l'eau, aujourd'hui le minéral se fige sous mes doigts, lisse de tous les mythes qu'il perd comme un fardeau. La pluie est cette correctrice patiente qui décline l'absence au future antérieur, les strates récitent leur propre descente dans un argot de roc devenu intérieur. La grève se jonche d'une syntaxe indéchiffrable, grise comme la cendre des archives noyées, j'y traque un indice, quelque chose de palpable, mais la marée dissout même ce que le temps a ployé La pierre a tout perdu de son vocabulaire, il ne subsiste qu'un galet aveugle et rond, seul sous un ciel sans grammaire Didier Guy

Phytogénèse

 

Des forêts naissent où respirait l'homme,
racines nouées aux alvéoles froides,
la chlorophylle remplace le chrome
de ce sang ancien qui lentement se vide.

Mes bronches portent des lianes secrètes,
chaque inspiration nourrit leur verdure,
je deviens l'arbre aux branches discrètes,
prisonnier consentant de ma propre nature.

La sève monte où coulait le désir,
émeraude et lente, elle envahit mes veines,
je sens le bois durcir, sans frémir,
transformation douce qui devient ma peine.

Quelle étrange greffe m'a-t-on imposée ?
Quel jardinier invisible orchestre ma mue ?
Je suis devenu forêt déposée
dans cette cage thoracique diminuée.

Mon cœur bat comme un tronc qui craque,
mes pensées s'enracinent dans la tourbe,
je m'abandonne à cette attaque
végétale qui lentement me courbe.

Didier Guy 

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